Le Prince a bien changé. Aujourd'hui, c'est une grosse marmule aux cheveux huileux, à la peau sale et lorgnant férocement sur le méchant à sa droite, car il a bien l'intention de se taper la princesse à sa gauche. Ces deux sabres lui donnent un air de psychopathe des sous-bois, du genre "Souviens-toi l'été dernier" à la sauce persane. Si si, je vous jure, je l'ai vu ce matin sur la devanture du cinéma. Une brute épaisse je vous dis, un crasseux libidineux !
Naguère, Prince of Persia était un valeureux héros fait de trois pixels, qui galopait gaiement dans un univers en 2D, sautant courageusement au dessus de herses acérées. Tombant dans des trous parfois. Mourant empalé souvent (mais on n'a rien sans rien, et la princesse de Perse le valait bien). Mais toujours prêt à repartir de plus belle, embrocher des ennemis, déjouer des pièges vicieux, narguer les mâchoires d'acier de portes anthropophages qui effraieraient plus d'un Indiana Jones. Vingt ans après, le vaillant héros de mon Amstrad CPC 6128 est devenu un vulgaire gigolo, qu'on imagine bien sauter la princesse à la fin, après avoir épuisé les deux heures d'un scénario fadasse et convenu fait de moult cascades et force effets spéciaux (au demeurant fort coûteux, alors que trois pixels, ma bonne dame, ça ne coûtait pas grand chose hormis de l'huile de lignes de code). D'ailleurs le scénario importe peu. Le public est le même, acquis à la cause, qui va voir indifféremment les X-mens, Iron Man, Zombieland, et bientôt "Prince of Persia". Peu importe le fond, pourvu qu'on ait l'ivresse.
Ils avaient déjà fait le coup avec Mario Bros (une sombre merde dans la tuyauterie du septième art), Resident Evil (haha, j'ai failli m'étouffer) et Dragon Ball (Damned ! San Goku en chair et en gomina ?! Une bonne pub pour le gel fixant, ceci-dit...). Ils - les grands magnats de l'industrie cinématographique à gros budget, décérébrante et facile - remettent le couvert avec quelques résurgences vintage de nos années biberon. Après avoir revisité les dessins-animés des années 1980, les émissions télévisuelles d'Antenne 2, les héros de Comix, ceux de mangas, les jouets (qui donnent lieu à des films et réciproquement), les industriels qui surfent sur nos nostalgies de trentenaires s'en prennent aux jeux vidéo. Des vautours qui se disputent les restes de notre enfance.
À quand un Albator tout en cape noire et rouge, pantalon gothique, le cheveux gras et l'œil (unique je vous le rappelle) torve ? Un Cobra blond platine, air de macho et tendances à la picole, l'odeur de tabac froid en prime ? Un Sonic version punk bleu agité sous ecsta ? Un Link en bonnet d'elfe (j'ai failli écrire d'âne...) cherchant sa Zelda en se tapant la tête contre les arbres et en jouant du pipo ? J'ai hâte. Mais d'ici là, bordel, laissez-nous rêver.