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19 juillet 2010 1 19 /07 /juillet /2010 13:29

Charrues_005.JPGDe notre envoyée spéciale, à Carhaix.


J’ai pris la clef des champs. C’est ici, dans les plaines de Kerampuil écrasées de chaleur, que j’ai posé le fond de mon treillis deux jours durant. Après le déluge, l’état de grâce météorologique. La pluie continue qui a fait du site une pataugeoire de boue, a cessé. Le soleil fait ressortir l’odeur d’urine sèche et de copeaux de bois. Ici, on épand du fumier… humain.

Mais ne nous plaignons pas (une fois n’est pas coutume). Il fait beau, et c’est déjà pas mal, en ce week-end de juillet, en plein centre-Bretagne.

 

Venir à Carhaix, c’est faire une rencontre du troisième type. Avant même d’arriver, sur le site on a déjà croisé Mario et Luigi faisant des bonds dans le vide, des schtroumpfs bourrés, et tout un bestiaire imbibé. C’est  la fête des fous.  Titanesque, le festival dévore la ville, déborde de toutes parts, vomit des grappes de festivaliers avinés, coiffés de chapeaux de cow-boy. « C’est le thème de l’année », m’explique-t-on. Carhaix en devient un saloon géant. On campe sur les ronds-points. On erre, hagards, au hasard des bars. Perplexe, les journaleux le sont tout autant, qui ont bien du mal à trouver le parking presse. Ah, enfin ! Muni du précieux sésame de l’accréditation, grilles et grillages s’ouvrent miraculeusement. Bienvenue dans l’arène.


 

Tout le monde est dans la place, Pow pow pow… plouf. Didier et Bruno ont beau s’agiter, le show de NTM semble fadasse aux fans de la première heure. Un revival qui fleure bon la variet’, d’où un public familial en quête d’exotisme qui n’aurait pas osé y pointer le bout de son nez dix ans auparavant. Pas aussi « suprême » donc, ironise un titre bien connu de PQR. Pour rester dans le rap à l’eau, Diam’s a mis sa burqa-pyjama bleu turquoise. Et le pauvre Joey Starr, qui voulait lui faire une surprise en s’invitant sur la scène, de se faire refouler par la sécurité.

On se consolera en échappant à Mika. Le chanteur déchaîne les foules en poussant la chansonnette dans les aigus, et en repoussant les oreilles délicates bien loin sur les hauteurs. Heureusement, la soirée est joliment clôturée par la grand' messe électro de Vitalic. Il est tard, ou plutôt tôt, et d’autres aventures attendent dans les campings.


 

Le lendemain, on prend les mêmes (un peu moins frais) et on recommence. Une tartine de bons sentiments avec Féfé – le vilain petit canard nous sert un rap tiédasse qui ne ferait pas de mal à une mouche. Mais il n’est que 15 h.

« C’est long », soupire un festivalier, devant les tablâ indiens du Tahli Gang de Jacques Pellen… Pour passer le temps, on remplit les chopines à coup de pichets (16 euros la recharge). Il faut dire que ça a soif, un festivalier, à force de se dandiner dans l’herbe, de courir les scènes et de sauter sur place. Donc ça boit des hectolitres de bière – et de vodka caramel « embarquée ». Un breuvage dans lequel on noie autant ses révoltes que ses peines. Sauf les plus insondables, celles qui flottent à la surface, comme des glaçons.

Et puis ça mange, un festivalier. Perdue dans le brouillard olfactif de la Garène, où se mêlent allégrement odeurs de tartiflette et de frites, je viens chercher ma pitance industrielle. À 5 euros l’assiette de Canigou, avec une grosse demi-heure de queue à la clef. Inutile de chercher les stands bio, il n’y en a pas. Mais il faut bien se sustenter pour sautiller dans les champs de bières.


 

C’est la grosse maison dans la petite prairie. Il y a du monde, trop de monde, une foule dense, compacte. Ça pousse. Et ça pue la pisse. Un instant, j’ai le vertige. Le syndrome de Bombay, ou plutôt de Carhaix. Et puis ça passe avec une bière supplémentaire, pour effacer les décalage horaires.

Entre temps, on s’offre le luxe d’une conférence de presse surréaliste. « TF1 ne s’est pas déplacé sur le festival parce que vous étiez là », lance l’animateur à l’attention de ces deux invités, Rebeka et Mitch. Les enfants terribles de Sexy Sushi s’adonnent à une interview bidon : « Ce soir, on ne va jouer qu’un morceau. Et la semaine prochaine, on fait un rite vaudou. Dans un lieu mystique. C’est secret ».


 

Pendant ce temps, Gaétan Roussel égrène ses ritournelles à dormir debout sur la grande scène. « Bravo Gaétan !», hurle une gamine. Tu peux toujours crier, l’ancien chanteur de Louise Attaque ne risque pas de t’entendre. Le son est fort, trop fort. À croire qu’on veut réveiller les dieux de l’Olympe. Ou plutôt les divinités celtes des monts d’Arrée. Pour ceux qui ne voudraient pas être durs de la feuille à 35 ans, les bouchons d’oreilles sont indispensables. Le son monte à mesure que la soirée avance. Ça vibre sous les copeaux. Ça vous remonte dans le corps.

Pendant ce temps, des centaines de mecs dégainent leur tuyau d’arrosage pour  vous arroser les godasses et inonder la plaine, qui ruisselle de pisse. Kerampuil, un urinoir géant. 


 

Entre festivaliers, on se livre à un défilé de mode, collection été-été.  Qui, d’afficher le t-shirtCharrues_027-copie-1.JPG des Vieilles charrettes, qui, le débardeur du Bout du Monde. J’arbore fièrement un sweat Astropolis. Parcelle électro dans ce festival qui tend de plus en plus à faire chanter   les claviers. D’ailleurs c’est l’heure. Sur la scène Xavier Graal, DJ Kentaro s’active aux platines. Puis Sexy Sushi prend le relais. « On est Indochine ! », lance Rebeka, goguenarde, avant de saccager quelques airs bien connus du groupe d’à côté. Entre deux bordées d’injures, on balance des plantes vertes sur le public. Pendant ce temps, un Bob l’éponge monte au ciel. Et avec lui, mille baisers volés. Bienvenue à Carhaix.


 

Ps : Au cours de ce week-end de furieux duquel on sort zombifiée avec l’impression, tenace, de revenir d’entre les morts-vivants, on n’aura pas manqué d’avoir une pensée pour les bénévoles. Car ils sont nombreux, les Atlas du quotidien, à porter à bout de bras l’énorme sphère des Charrues.

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