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19 octobre 2010 2 19 /10 /octobre /2010 19:51

 

 

Power cut. C’est d’abord les coupures d’électricite intempestives, qui vous surprennent a l’hotel ou au restaurant, dans une rue soudain entenebrée. Les ventilos s’arrêtent et, en quelques minutes, la chaleur reprend ses droits. Tout devient moite et aveugle. La ville en devient inquietante. Etrange étrangeté que ces quelques bougies dans la nuit compacte.

 

Coupure de courants… Mais aussi risques de disjonction. Parce que les hurlements incessants des klaxons, dans la poussière des rues qui vous brûle les yeux, pourrait bien finir par vous rendre dingue. Power cut.

IMG_4462.JPG

 

Court-circuit de l’âme aussi, ce pays qui met a mal le droit fil de nos habitudes. l’Inde ne rentre pas dans nos schémas sans forcer un peu. Ici, on joue a cliché fermé. On s’attend a découvrir un pays sale. C’est pire encore. On redoute une nourriture epicée qui ne l’est pas tant que ca, et décline même mille pâtisseries ignorées. On imagine une population distante et reservée, et voila des hordes de jeunes gens, des familles entières qui se pressent autout de vous pour vous toucher, vous parler et, surtout, vous tirer le portrait comme un trophée. Qui est le touriste ? Qui, l’objet de curiosité ? L’Inde c’est une profusion de rencontres, de sollicitations, un bain de foule continu. De quoi nous court-circuiter bien des préjugés.

 

inde_0001.jpg

Circuits imprimés. Sur une carte, ça n’a l’air de rien. L’Inde c’est beau. L’Inde c’est loin. C’est surtout loin culturellement. Une distance que la meilleure volonté, et tous les sourires, ne peuvent guère abolir. Elle nous malmène, pauvres occidentaux (volontairement) jetés dans la tourmente des rickshaws, des moustiques, des laideurs et des odeurs. C’est parfois, il faut bien l’avouer, un vrai musée des horreurs, que ces armées de zombies lépreux aux moignons tendus. Mais s’ils sont demunis économiquement face a nous qui ne manquont de rien et suffoquons de tout, les indiens sont riches d’une culture millénaire dont les subtilités nous échappent. Et c’est nous qui nous retrouvons demunis lorsqu’il s’agit de les comprendre. Comme ce hochement de tête si particulier qui semble a la fois exprimer une affirmation et l’expression d’un doute poli. “Ça veut dire oui et non”, me confirme un collégien de Pondichery. Mais, dans notre logique binaire, comment pourrions-nous apprehender une telle contradiction ? Le cerveau peine a comprendre. Nos neuronnes patinent dans le curry. Power cut.

 

 

 

inde.jpgCourant alternatif. Entre attraction et repulsion, l’Inde porte un masque de tragedie grecque a deux visages. C’est une belle femme aux bracelets de cheville qui tintent, au sari chatoyant, avec un bras atrophié. Un sourire complice sous le kumkum, sur un trottoir miteux. Des hordes de gamin rieurs et maigrichons. Des animaux faméliques dans des égouts gorgés d’immondices et de rats. Des gamines belles a pleurer, princesses des canivaux qu’ailleurs on jette aux vents pour ne pas avoir a payer de dot. Des gens qui vous donnent tout alors qu’ils n’ont déjà rien. Des temples majestueux aux odeurs de beurre clarifié et d’encens, ou l’on honore un dieu debonnaire a tete d’éléphant. Ganesh n’est pas farouche. Le patron des scribes et des voleurs, des errants et des litterateurs, se laisse aisément apprivoisé. Il est devenu mon totem, le temps d’un brulant ete indien. Un brasier même, où finissent de se consumer les braises de mes derniers fantasmes sur la patrie de Gandhi. Power cut.

 

 

Et si ce n’est pas le circuit le plus court pour aller jusqu’a soi-même, l’Inde constitue certainement un raccourci pour polir son occidentalité. « Il est bon de frotter et limer notre cervelle contre celle d’autrui », comme dirait l’autre*, qui fit du voyage un chemin de philosophie.

Qui sait, elle pourrait peut-être me manquer, cette Inde cradingue, de sourires et de poussiere.

 

 

*Michel de Montaigne, Essais.

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commentaires

S
<br /> Big up pour la géniale et pertinente citation de Montaigne !<br /> J'avoue suivre tes voyages avec intérêt, sans doute un peu par procuration...<br /> <br /> <br />
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  • : Les chroniques acides de la belette
  • : Les coups de gueule d'une demi-beurette au pays du beurre salé. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant réellement existé serait purement fortuite.
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  • 32 et toutes ses dents. Scribouillarde tombée dans la marmite philosophique, cherche l'Humanité la lanterne à la main. Chiante, impatiente, exigeante, avec quelques qualités paraît-il.
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